Lorsque nous avons sélectionné les colonies à analyser, notre choix ne s'est pas principalement tourné sur des critères de production de miel, ou sur le potentiel de rentabilité d'une colonie.
Notre priorité est de conserver des colonies robustes et autonomes, bonnes gestionnaires de leurs réserves et du développement de leurs couvains avec une faible consommation hivernale.Cela ne veut pas dire que nous ne travaillons pas avec des souches ayant un fort potentiel de production de miel, mais nous essayons que ce ne soit jamais au détriment des critères cités ci-dessus.
Notre ambition est de transmettre notre abeille endémique, l'abeille noire (apis mellifera melliffera) et son patrimoine génétique aux générations futures.
J'ajoute que nous restons très attentifs à la conservation de la diversité génétique de cette race.
Lorsque l'on parle de transmission d'un patrimoine génétique, cela implique la réalisation d'analyses.
Nous avons donc sélectionné des colonies d’intérêt, issues de lignées que nous avons depuis plus de 10 ans, des colonies locales pour confirmer les analyses morphométriques, ou issues des conservatoires de la FEDCAN proches de la Loire-Atlantique, et enfin des colonies qui peuvent intéresser des professionnels pour leurs très bonnes capacités mellifères.
Vidéo sur le conservatoire de l'abeille noire de L'orne.
C'est donc à l'occasion de notre assemblée générale du 7 mars 2020 que nous avons présenté les résultats des analyses génétiques réalisées à la fin de l'année 2019.
Ces colonies appartiennent principalement à des adhérents de l'association Abeille Noire Atlantique.
Assemblée générale Abeille Noire Atlantique du 7 Mars 2020. |
Présentation des projets réalisés en 2019 et à venir. |
Présentation de l’institut Ar Mell par Ivan Le Mintier. |
C'est une trentaine d'abeilles issues de colonies différentes qui ont été analysées.
Vous vous dites peut être que l'analyse de 30 abeilles ce n'est pas suffisant...
Je vous répondrai à la foi oui et non.
Oui, parce que l'on peut toujours faire plus, d’ailleurs, dès l'année prochaine, nous voulons multiplier le nombre d'analyses par trois ou quatre avec des études génétiques intra-colonies (en fonction de notre budget bien évidemment).
Et non, car l’analyse d'une abeille nous permet de connaître la lignée évolutive, et l’haplotype de chaque individu de la colonie.
En effet transmis par la reine, ses caractères sont communs à l'ensemble des trois castes de la colonie (reine abeille et faux bourdon).
Une fois que l'on a compris cela, il est facile de connaître la lignée évolutive, et l’haplotype de toutes les colonies sœurs ainsi que l'ensemble de leur descendance.
Vous trouverez ci-dessous une synthèse des résultats du laboratoire Évolution Génomes Comportement Écologie ainsi que quelques observations.
Vous pourrez constater que malgré les menaces qui pèsent sur l'abeille noire, elle existe encore, et a peut-être trouvé un sursis en Loire-Atlantique.
Rapport
d’expertise 2019.
Analyses
génétiques de la population
d’abeilles de Loire
Atlantique.
Le Test mitochondrial : l'ADN mitochondrial est une molécule circulaire contenue dans les mitochondries des cellules. Contrairement à l'ADN nucléaire, la transmission de cette molécule est uniquement maternelle. Chez l'abeille domestique, l'ADN mitochondrial a donc un très fort pouvoir de marqueur de colonie puisque toutes les ouvrières d'une même colonie ont la même mère.
Ainsi, l'étude d'une seule abeille suffit à caractériser la colonie. La transmission maternelle de la molécule en fait un marqueur particulièrement adapté à la détermination de l’origine maternelle d’une colonie et par conséquent de l’origine maternelle de la reine.
Les échantillons prélevés dans la population de Loire Atlantique présente donc 92% de types mitochondriaux appartenant à la lignée M.
Pour rappel, vous trouverez ci-dessous l'air de répartition des 4 lignées évolutives.
L'abeille noire appartient bien évidement à la lignée M.
Ci dessous les 17 échantillons où l'introgression est la plus faible, environ 10% d'hybridation en moyenne.
C'est sur ces colonies que nous allons produire des cellules royales en 2020 avec les éleveuses de l’association.
.
Pour rappel, vous trouverez ci-dessous l'air de répartition des 4 lignées évolutives.
L'abeille noire appartient bien évidement à la lignée M.
Conférence Lionel Garnery. |
Diversité des haplotypes M :
La figure 11 présente les fréquences des différents haplotypes M dans la population étudiée. L’analyse des échantillons de la population de Loire Atlantique met en évidence la présence de 6 haplotypes appartenant à la lignée mitochondriale M.
L’indice de diversité
haplotypique est un paramètre important en matière de conservation. Sa
valeur est comprise entre 0 (0 montrant l’absence de diversité) et 1 (le
maximum de diversité). Il permet d’estimer la diversité mitochondriale observée
à l’échelle d’une population ou d’un rucher à un instant t.
Il s’agit d’un des
paramètres que l’on estime lors de l’étude d’impact, et qui sera important de
suivre afin de vérifier l’efficacité de la conservation (en cas de perte de
diversité, cet indice risque de diminuer). Dans le cas de populations ayant
subi des importations, cet indice est estimé de deux manières
différentes :
Le niveau de diversité haplotypique brute de la
population est représentatif de la diversité totale comprenant la diversité des
haplotypes locaux, et la diversité des haplotypes importés par l’apiculture
(diversité artificielle). Il a donc tendance à surestimer le niveau de
diversité originelle de la population lorsque des importations ont été
réalisées de manière importante. Ce paramètre
est estimé à 0,695 pour les
échantillons de Loire Atlantique.
Les marqueurs microsatellites :
Chaque ouvrière (ou reine) possède deux allèles pour chaque locus, un provenant de la mère, et l’autre provenant du père, alors que les mâles haploïdes (issus d’œufs non fécondés) ne comporteront que l’allèle d’origine maternelle. Les allèles peuvent être soit différents (l’abeille est alors qualifiée d'hétérozygote à ce locus), soit identiques (dans ce cas, elle est homozygote à ce locus). La proportion d’hétérozygotes dans une population est un indice de la diversité génétique de la population.
Sur le graphique, on constate que sur les abeilles analysées seules, 3 individus (16, 25 et 26) ne sont pas dans les contours des populations de référence M (en rouge). Ils correspondent aux individus montrant des niveaux d’hybridation respectifs de 46, 50 et 52% de la figure 16.
Les marqueurs microsatellites :
Les marqueurs microsatellites sont des marqueurs à hérédité biparentale. Ils sont composés de séquences répétées ( ie : [CA]n) pour lesquels les formes allèliques sont liées au nombre de répétitions du motif. Le nombre de répétitions de chaque motif détermine la taille de l’allèle. Chaque allèle trouvé pour chacun des locus est donc caractérisé par une taille qui lui est propre, et c'est cette taille qui est analysée après passage au séquenceur automatique.
Chaque ouvrière (ou reine) possède deux allèles pour chaque locus, un provenant de la mère, et l’autre provenant du père, alors que les mâles haploïdes (issus d’œufs non fécondés) ne comporteront que l’allèle d’origine maternelle. Les allèles peuvent être soit différents (l’abeille est alors qualifiée d'hétérozygote à ce locus), soit identiques (dans ce cas, elle est homozygote à ce locus). La proportion d’hétérozygotes dans une population est un indice de la diversité génétique de la population.
Niveaux d’introgression nucléaires et classements des
individus :
Le
niveau d’introgression correspond à la proportion d’allèles provenant d’autres
lignées d’abeilles (C, A ou O). Il correspond au niveau d’hybridation des
abeilles avec des souches d’importation. Cette estimation est réalisée en
calculant la proportion d’allèles diagnostiques originaire des autres lignées
évolutives qui sont présents au niveau du génotype multi-locus de chaque
abeille. Le niveau d’introgression peut être estimé à partir de l’ensemble des
échantillons de la population, pour chaque rucher et par individu. Dans le
premier cas, il représente le niveau d’hybridation général de la population. Ce niveau d’introgression est estimé à 16%
pour l’ensemble des échantillons.
Ci dessous les 17 échantillons où l'introgression est la plus faible, environ 10% d'hybridation en moyenne.
C'est sur ces colonies que nous allons produire des cellules royales en 2020 avec les éleveuses de l’association.
CONCLUSION DU LABORATOIRE EGCE
Quelque
soit les analyses réalisées, l’échantillon d’abeilles de Loire Atlantique apparaît
proche d’une population typique de la lignée ouest méditerranéenne. Sur l’arbre
de proximité, la population se branche bien sur la lignée M (représentant les
populations de références de l’abeille noire), et est très éloignée des
populations de références des lignées A, C et O. Cette observation est
confirmée par l’Analyse en Coordonnées Principales réalisée sur la matrice de
distances inter-populations, où la population de Loire Atlantique se trouve à
proximité des populations de référence de la lignée M.
Les
estimations des niveaux d’introgression réalisées avec l’ADN mitochondrial
montrent que l’échantillon de Loire Atlantique présente un niveau
d’introgression maternel de 8 %. Le niveau d’hybridation nucléaire moyen de
l’échantillon est estimé à 16%. Cette observation démontre que peu d’abeilles
originaires d’autres lignées évolutives ont été introduites dans cette zone. Ces
niveaux d’introgression sont inférieurs au niveau d’introgression maximum
défini dans le cahier des charges pour une population conservatoire d’abeilles
noires qui admet un niveau d’hybridation de 20% maximum avec les marqueurs
moléculaires.
Les
deux individus de l’étude qui montrent des ADN mitochondriaux de type importés
(C1 et C2) montrent des niveaux d’hybridation nucléaires de 13 %. Ces individus
correspondent à des colonies anciennement d’origine importée qui ont été
croisées par des mâles noirs aux cours des générations successives.
Comme indiqué ci-dessus, ces résultats nous encouragent à poursuivre nos efforts de recherche de souches à multiplier.
Ne nous résignons pas à voir la génétique de cette race disparaître, diluée par des abeilles hybrides principalement sélectionnées sur des critères de rentabilité et de confort pour l'apiculteur.
Comme indiqué ci-dessus, ces résultats nous encouragent à poursuivre nos efforts de recherche de souches à multiplier.
Ne nous résignons pas à voir la génétique de cette race disparaître, diluée par des abeilles hybrides principalement sélectionnées sur des critères de rentabilité et de confort pour l'apiculteur.
De gauche à droite : Yann Audrain, Ivan Le Mintier, Cédric Ouary, Lionel Garnery. |
Nous remercions chaleureusement Lionel Garnery maître de conférence, généticien et évolutionniste, pour son travail sur l'abeille noire et son aide si précieuse.
Nous avons eu le plaisir de passer une journée au CNRS avec lui et Ivan Le Mintier.
Ils nous ont présenté le laboratoire Lab Mell qui va prendre le relais pour la réalisation des analyses génétiques.
On vous en parlera très prochainement.
Cédric Ouary
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